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Renégociations

Il a fallu se battre pour la qualité de la CCT

En juin 2018, le SEV met en place des actions aux quatre coins du pays: plus de 1500 cheminots et cheminotes se mobilisent contre les attaques envers la CCT.

Depuis mai 2019, c'est la 6e version de la CCT CFF et CFF Cargo qui s'applique. La durée de validité a été prolongée récemment, jusqu’en mai 2025 pour les CFF et fin 2023 pour CFF Cargo. Dès la 3e version, le ton s'est passablement durci entre les partenaires sociaux. Afin de faire pression, le SEV a organisé des manifestations, des récoltes de signatures et en 2006, il a menacé d'engager des mesures de lutte...

Durant toutes ces années, Manuel Avallone, ancien vice-président SEV, s'est retrouvé à plusieurs reprises à la tête de la délégation de négociations chargée de renouveler la CCT : « Je dirais que de manière générale, les deux CCT CFF et CFF Cargo ont été améliorées durant les dernières années et que les détériorations visées par les CFF ont pu être évitées. » Jürg Hurni qui a participé aux négociations tout d'abord en tant que président central de la sous-fédération du personnel des trains et ensuite en tant que secrétaire syndical en charge du dossier Division Voyageurs au SEV, considère que « cette CCT reste l'une des meilleures CCT d'entreprise en Suisse ! » Il mentionne en particulier la protection contre le licenciement grâce au contrat social, et la réglementation en cas d'accident ou de maladie.

Le secrétaire syndical Philipp Hadorn, qui a participé aux négociations en tant que responsable du domaine Marchandises et spécialiste des salaires, est plus mitigé. Dans certains cas d'externalisation, comme par exemple chez CFF Cargo International, le niveau de la CCT de la maison-mère n'a pas pu être conservé. Urs Huber, responsable de la Division Infrastructures, mentionne lui aussi une évolution négative : « Avec l'introduction de Toco et sa nouvelle classification des fonctions, les gens de CFF Infrastructures furent clairement les perdants. »

Lors du premier renouvellement en 2004, les choses se sont passées beaucoup plus sereinement. Les CFF ont pu obtenir une hausse minime de la durée du travail mais ont dû payer pour cela un prix élevé, avec une garantie salariale généralisée et une semaine de vacances supplémentaire. Ils ont par contre réussi à introduire une réduction de la durée de validité à deux ans.

En 2006, il y eut un événement unique : les CFF ont résilié la CCT pour faire pression sur les négociations ! Pour tous les autres renouvellements, les négociations se sont déroulées sans en arriver à une dénonciation de la CCT.

En 2006, les pourparlers se sont déroulés dans des conditions très particulières : Benedikt Weibel avait annoncé son départ des CFF et voulait absolument s'en aller sur un accord. En face de lui à la table de négociations, il n'y avait plus son compagnon d'études Ernst Leuenberger mais son successeur à la présidence du SEV, Pierre-Alain Gentil, qui soignait plutôt un syndicalisme à la française et n'avait pas peur des confrontations. Le chef des négociations était également un romand : François Gatabin était alors vice-président SEV. Pour la première fois, le conflit a été porté en public. A la mi-novembre 2006, les syndicalistes ont distribué des chocolats aux voyageurs dans les trains afin de les informer, et un peu moins d'un mois plus tard, le SEV annonçait une journée d'action pour le 15 janvier 2007 : « Nous prévoyons des mesures de lutte, et une grève d'avertissement n'est pas à exclure », prévenait-il dans une résolution. Ceci n'a pas été nécessaire car après une nuit entière de négociations, un accord a été trouvé en décembre et a permis aux deux parties de sauver la face. Et en contrepartie d'une nouvelle hausse de la durée du travail à 41 heures hebdomadaires, le personnel a obtenu une augmentation réelle des salaires et un jour de vacances supplémentaire.

En 2010, le SEV est intervenu publiquement surtout pour un financement correct de la caisse de pensions, thème traité à ce moment-là également par les Chambres fédérales. Toutefois, ce qui a causé alors la colère de nos membres, ce fut en particulier le fait que les CFF exigeaient un nouveau système salarial qui différait totalement de la systématique appliquée jusque-là, Toco. Aujourd'hui encore, les cheminots s'énervent en entendant ce nom. La plupart des professions ferroviaires classiques ont été moins bien classées et les carrières académiques ont occupé les échelons supérieurs. Pour le SEV, il était bien clair que Toco ne pouvait pas être introduit sans garantie salariale pour éviter à quiconque une réduction de son revenu. Les garanties, à la base limitées à quatre ans, ont été prolongées et sont restées pratiquement inchangées au cours des prochaines négociations CCT. Toco a aussi amené un traitement particulier pour les mécanicien-ne-s de locs qui ont bénéficié d'une courbe plus élevée que le reste du personnel. Pour le secrétaire syndical Jürg Hurni, il est clair que « sans les garanties salariales, la CCT 2011 n'aurait jamais été acceptée. »

En 2015, les CFF ont pu pour la première fois obtenir une limitation du contrat social et en contrepartie, de nouveaux modèles de retraite ont été conçus, permettant en particulier aux personnes qui accomplissent des tâches astreignantes de partir à la retraite de manière anticipée sans subir de grandes pertes au niveau des rentes. De plus les CFF ont dû proposer à leur personnel temporaire un contrat fixe après quatre années de travail dans l'entreprise, ce qui représentait un avantage pour les travailleurs temporaires de longue date. Toutefois on a dû par la suite constater que les contrats temporaires étaient un peu plus souvent résiliés avant la date fatidique des quatre ans...

2018 rime avec mobilisation

Les dernières négociations CCT se sont déroulées en 2018 sous le signe de la confrontation car les CFF sont arrivés avec un catalogue de revendications bien fourni demandant des suppressions au niveau des vacances, des prestations sociales, des salaires et de la protection contre le licenciement. Le personnel s'est adressé à la direction des CFF lors d'une action de lâcher de ballons qui a eu bon écho auprès du public : les ballons ont porté nos messages syndicaux au chef des CFF Andreas Meyer, qui se trouvait en congé sabbatique en pleine phase de négociations CCT ! Ceci a débouché sur un résultat acceptable pour les deux parties : le personnel a été d'accord de participer au financement de l'assurance perte de gain en cas de maladie mais il a pu conserver la protection contre le licenciement et les primes de fidélité. Cependant le SEV a dû se montrer prêt à négocier sur un nouveau système salarial pendant la durée de validité de la CCT et à mener des négociations CCT séparées pour CFF Cargo qui avait été entre-temps partiellement privatisée. Philipp Hadorn considère que « l'accessibilité aux filières et la reprise des collaboratrices et collaborateurs au sein de l'entreprise sont sérieusement mises en danger, ceci dans une période où l'on doit envisager des problèmes liés au recrutement au vu de l'évolution démographique. »

Peter Moor

Les 20 ans de la convention collective de travail CFF – une série du Journal SEV